Clara Zetkin in Le problème des intellectuels
7 juillet 1924
Le pseudo-art devient un commerce (Extrait)
L’art est soumis à la même évolution. Il n’est plus l’expression sur
le plan artistique de grands sentiments ou de grandes expériences
collectives, c’est-à-dire un instrument efficace d’éducation populaire.
Il est devenu un commerce, une entreprise capitaliste qui doit rapporter
de gros intérêts; le peintre, le dessinateur doivent produire en
fonction de la demande. Le poète, l’écrivain doivent tenir compte du
marché et de la clientèle de leur éditeur. Et il en est ainsi dans tous
les domaines de la création artistique.
On assiste à la naissance d’un pseudo-art devenu une entreprise
capitaliste rentable, et la société bourgeoise fait naître les
producteurs de ce pseudo-art. Elle attire des incapables en leur faisant
miroiter la position privilégiée d’un petit nombre d’individus, et la
recherche du profit fait surgir des instituts de formation artistique
dont les portes sont ouvertes à tous, qu’ils aient ou non du talent. Par
la faim, elle contraint des créateurs doués à se mettre au service du
mauvais goût et de l’inculture. Mais elle engendre simultanément les
acheteurs de ce pseudo-art en la personne de parvenus blasés et
jouisseurs, tandis qu’elle développe par ailleurs l’absence de culture
des larges masses. Elle produit l’exploiteur capitaliste qui vole aussi
bien les artistes – ou ceux qui se font passer pour tels – que les
consommateurs. Le pseudo-art le plus rentable dans tous les pays
capitalistes est la pornographie, qu’elle soit dessinée, peinte,
sculptée, parlée ou chantée. Le capitaliste exploite l’artiste et le
prolétaire avec la même absence de scrupules et il vend de fausses
valeurs artistiques avec le même sourire cynique que le fabricant de
produits alimentaires qui "refile" à ses clients un ersatz sans valeur
nutritive, voire nocif.
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